Thaïlande: le coup d’état n’aura pas lieu…
La situation politique en Thaïlande n’est pas un exemple de stabilité. Particulièrement depuis 2006 et le coup d’état de l’armée qui a évincé du pouvoir Thaksin Shinawatra accusé notamment de corruption et malversations. Il est depuis en exil à l’étranger et ne peut revenir en Thaïlande où il aurait à faire face à la justice. Depuis la fracture entre ses partisans, les Chemises Rouges et les partisans des démocrates qui ont alors pris le pouvoir, les Chemises Jaunes, est manifeste. Et les tensions se ravivent régulièrement. Actuellement, la Première Ministre de Thaïlande est Yingluck Shinawatra, la petite soeur de Thaksin, élue en 2011. Elle fait face à une opposition grandissante depuis plusieurs mois avec un nouveau mouvement de contestation les White Masks qui dépasse le clivage jaunes – rouges. Et la loi d’Amnistie qui passera devant le parlement mercredi et prévoit d’amnistier les militants politiques impliqués dans les mouvements de 2006, amplifie le mécontentement. Beaucoup affirme qu’elle n’a pour seul objectif que de permettre le retour de Thaksin Shinawatra en Thaïlande. Si bien que des rumeurs persistantes de répétition du scénario de 2006 avec un nouveau renversement du gouvernement par les militaires ont fleuri ces dernières semaines. Il y a même eu quelques appels à la population à stocker nourriture et argent. De grandes manifestations ont commencé ce dimanche et sont prévues jusqu’au 10 août alors que le gouvernement a invoqué la Loi de sécurité intérieure qui permet notamment l’instauration d’un couvre-feu, la fouille de bà¢timents et la censure des médias, dans trois districts de Bangkok.
Y. Shinawatra de plus en plus contestée
Les forces de l’ordre sont mobilisées, des débordements craints, particulièrement autour du Parlement dont le quartier est verrouillé par la police. Les ambassades de plusieurs pays étrangers conseillent d’éviter les visites des monuments suivants: Palais Vimamnek (Dusit Palace), Dusit Zoo, Wat Benchamabphit (Marble Temple). Mais c’est en fait au Parc de Lumphini que les manifestants se sont rassemblés. Il étaient plus de 4000 hier. Aucune violence ni aucun débordements n’ont été constatés. Le mouvements se veut pacifiste. Crise du riz avec la perte de la place de 1er exportateur mondial imputée à une mauvaise gestion du gouvernement actuel et loi d’amnistie controversée cristallisent la contestation. Des rumeurs parlent de « la présence des soldats » lors des rassemblements anti-gouvernementaux précédents et lient le départ de Leurs Majestés le Roi et la Reine de Bangkok pour un séjour au Klai Kangwon Palace à Hua Hin, jeudi dernier, à la crainte réelle d’un coup d’état ou du moins de débordements à Bangkok. Alors, la Thaïlande va-t-elle connaître un nouveau coup d’état militaire ? Il y a beaucoup d’éléments qui tendent à penser le contraire. Au cours des deux dernières années, la relation entre les hauts gradés militaires et le gouvernement du Premier ministre Yingluck Shinawatra a été bonne. Il y a eu beaucoup de gestes en faveur de l’Armée avec entre autres l’achat d’une nouvelle frégate valeur de 14,6 milliards de baht en provenance de Corée du Sud. De plus la loi d’amnistie bénéficierait également à l’armée et à ses membres qui ont pris part aux événements de 2006. Et la situation n’est pas la même qu’à l’époque, il n’y aucune accusation « justiciable » portée contre la Première Ministre actuelle. La renverser par la force et non pas les urnes serait s’assurer de la mobilisation des « Rouges » alors que le nombre de manifestants, même si le mouvement prévu pour durer une semaine ne fait que commencer, est bien inférieur en nombre, à ceux des Chemises Rouges et notamment celui de 2010 qui avait eu la fin tragique que l’on connaît (au bout de 2 mois l’Armée avait fini par charger les manifestants, il y avait eu 90 morts).
Il y a deux raisons d’être optimiste sur le fait que la situation ne s’envenime pas trop. On a tiré les leçons du passé et les manifestants se rassemblent dans un parc pour l’instant et n’envisagent pas de bloquer le centre économique et commercial de Bangkok comme ce fut le cas en 2010. La mobilisation n’est pour l’instant pas si forte. Et il n’y a pas d’ intérêt à renverser par la force un gouvernement qui par son action et ses échecs semble mettre en péril ses chances de se maintenir au pouvoir lors des prochaines élections. La crise du riz lui aura probablement fait perdre beaucoup des votes du monde rural qui est sa principale source de voix. Reste une interrogation: et si la loi est votée mercredi, que se passera-t-il ? Vu le climat politique en Thaïlande, tout est possible…