Thaïlande: le riz de la colère

On en parle moins mais en marge des manifestations qui visent à faire démissionner le gouvernement en place, il y a un autre mécontentement qui monte depuis plusieurs semaines en Thaïlande, celui des paysans à qui le gouvernement n’a pas payé sa production de riz comme le prévoyait le plan qui leur assurait un prix fixe très avantageux. Deux mécontentements qui pourraient bien s’additionner.

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Dans l’espoir de stimuler les prix du riz et accroître les revenus des paysans, le gouvernement avait décidé d’acheter les récoltes de riz à environ deux fois le prix en vigueur sur les marchés internationaux. Un programme qui a fait long feu, le ministère du Commerce ayant d’énormes difficultés à vendre la production à l’étranger, les exportateurs concurrents tels que le Vietnam n’hésitant pas à en profiter pour casser les prix. Résultats, le financement de ce programme est compromis et surtout, la Thaïlande a rapidement perdu sa place de premier exportateur de riz du monde. Au profit du Vietnam justement, et de l’Inde. Ajoutez des soupçons de corruption dans la distribution de l’argent qui ont entraîné l’annulation par la Chine son contrat d’achat de riz thaïlandais de 1.2 millions de tonnes et un trou de 130 milliards de baths pour financer le programme avec des banques qui refusent de prêter l’argent nécessaire et vous arrivez à une situation où le riz ne se vend pas, les agriculteurs ne sont pas payés et le gouvernement est pointé du doigt pour son incapacité à tenir un de ses engagements phares.

 Si les paysans qui manifestent depuis quelques semaines ont jusque là évité soigneusement de se retrouvé assimilés au Bangkok Shutdown et aux actions du PDRC, l’incapacité du gouvernement à lever les fonds nécessaires pour honorer son engagement pourrait bien changer la donne. Les cultivateurs ont bien livré leur production mais n’ont jamais été payés. Beaucoup sont dans de graves difficultés économiques. Après des manifestations en province infructueuses, des centaines d’entre eux venant de plus de 10 provinces ont convergé jeudi sur Bangkok pour exiger le paiement de leur riz. Cette crise du riz risque de faire perdre au gouvernement en place déjà très fragilisé son plus fidèle soutien, les habitants des campagnes.

C’est tout naturellement que Suthep, le leader de la contestation démarrée fin octobre, a décidé de s’emparer du dossier. Avec l’organisation de deux marches de ses partisans visant à collecter de l’argent pour aider les paysans en grande difficulté financière. Une ce vendredi, la seconde lundi. Il entend même jouer les « Robins des Bois » et pourrait pénétrer avec ses partisans dans les entrepôts, récupérer le riz stocké et le vendre pour aider les agriculteurs. Plus que les manifestations qui durent depuis trois mois et des élections chaotiques, c’est probablement cette crise du riz qui représente le plus grand danger pour Yingluck Shinawatra et son gouvernement.